

André Heintz : rencontre avec un entrepreneur dynamique pour La Moselle au travers d’initiatives solidaires
André, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Originaire de Moselle Est, j’ai 55 ans, marié et papa de trois enfants. Mon activité professionnelle s’exerce dans trois domaines : le transport routier de marchandises en tant que Président d’Heintz Transports, l’investissement immobilier à travers une foncière que j’ai crée en 2010 Heintz immobilier et depuis 2013 l’hôtellerie, avec la gestion de 14 hôtels, principalement sous franchise Accor, implantés dans le Grand Est de la France.
En dehors de mon Groupe, je consacre environ 20% de mon temps à des actions d’intérêt général et de mécénat. Il y a 6 ans, j’ai créé sur mon territoire un outil de mécénat qui s’appelle Moselle Mécène Solidaire (MMS). Il s’agit d’un circuit court du don pour permettre de planter les graines directement sur notre propre territoire. Ce fonds MMS récolte à peu près 400 000 euros de dons auprès d’entreprises de mon département et permet de soutenir des projets qui sont portés par certaines des 5 000 associations du département. Les projets sont sélectionnés selon leur valeur ajoutée dans différentes thématiques : solidarité, alimentation durable, écologie, biodiversité, chasse antigaspi, éducation, santé, prévention, discrimination, handicap, fracture digitale… Nous détectons les projets les plus porteurs, redistribuons les dons collectés et accompagnons également en échangeant avec les associations pour mieux comprendre leurs besoins ou leurs difficultés. Souvent, nous activons nos réseaux en leur faveur. En résumé : nous redistribuons les dons, nous accompagnons, nous conseillons, et nous cherchons à mobiliser du mécénat de compétences, du mécénat en nature, ainsi que notre réseau.
Votre approche du mécénat implique donc la mobilisation de toute la ressource nécessaire au projet.
En général, il y en a trois. Financiers, en compétences et en nature tous destinés à notre territoire, puisque le but c’est de planter des graines ici, en Moselle.
Nous sommes clairement dans le cadre de la RSE, et les entreprises l’ont très bien compris. Il y a une gouvernance dans laquelle tous les grands donateurs choisissent ensemble les projets lauréats lors de pitchs et décident d’attribuer des fonds. Nous nous sommes rapidement trouvés confrontés à la problématique d’un manque de projets innovants sur un territoire dynamique au regard des dons collectés.
Nous avons donc créé une deuxième association qui s’appelle « Le Filon ». C’est un atelier pour créer de nouveaux projets, à la manière d’un incubateur. Chaque année, nous accompagnons une douzaine de porteurs de projets afin de réunir toutes les conditions favorables au lancement de leur initiative. Nous les amenons à réfléchir à leur projet et nous en faisons la promotion. Nous leur proposons aussi des formations : quels sont les revenus, le business model, où trouver les investissements, comment communiquer. Ils échangent entre eux, les projets des uns enrichissent les projets des autres, les réflexions des uns nourrissent celles des autres, et parfois même, ils trouvent des collaborations entre eux, avec d’anciens porteurs de projets ou avec d’autres associations existantes. Cela ouvre des portes. C’est ça, l’incubateur porté par Le Filon.
Cela représente une douzaine de projets soutenus par an ?
Plus que ça ! Nous avons fait beaucoup plus original avec la création d’une fabrique à initiatives. Il y a des centaines d’innovations sociétales et écologiques partout en France. Parfois elles n’arrivent pas en Moselle. Donc nous allons chercher les initiatives les plus intéressantes pour les essaimer sur notre territoire. Par exemple, il y a une grande association nationale qui s’appelle La Cravate Solidaire. Elle aide les personnes en situation de précarité financière à trouver des vêtements adaptés pour leurs entretiens d’embauche. Ils collectent des vêtements auprès des entreprises et des particuliers. Ensuite, les bénéficiaires reçoivent leur tenue, on leur fait une photo, mais surtout, ils sont aussi préparés aux entretiens : avec des coachs en image et des spécialistes RH, nous leur transmettons les codes, les attitudes, les conseils pour réussir. Nous avons donc essaimé cette association en Moselle.
Comment se passe cet essaimage ? Par implantation d’une antenne régionale ou duplication du projet ?
Nous rendons possible, mais nous n’activons pas directement. Nous organisons des journées qu’on appelle « SuccESS Story » (ESS pour Économie Sociale et Solidaire), où nous réunissons 200 personnes intéressées. Une dizaine de projets inspirants y sont présentés, et à la fin, en fonction des affinités, des collectifs se forment naturellement.
Je vous donne un autre exemple. Nous sommes partis du constat qu’il y a plein de personnes qui se mettent au sport et qui décident par exemple de pratiquer le badminton. Ils achètent tout le matériel, ils jouent trois semaines, puis abandonnent. Le matériel reste inutilisé, ça encombre ou se détériore au fil du temps chez eux. Nous avons réfléchi et nous avons rassemblé Décathlon, Vélo Hollande et tous les clubs sportifs locaux pour récupérer ce matériel et ainsi le redistribuer aux enfants des quartiers défavorisés pour qu’ils puissent se mettre au sport. Aujourd’hui, huit personnes travaillent sur ce projet.
Donc, si vous voulez, ce Filon, il a deux branches. La première, c’est ce que j’appelle l’incubateur et la seconde c’est l’essaimage. Il s’agit d’une petite vingtaine de nouveaux projets annuels dans l’ingénierie de lancement d’initiatives d’innovation sociale et écologique. Vous comprenez bien qu’il y a une organisation spécifique de la chaîne de soutien pour ces associations, certaines pouvant naitre ou être essaimées au sein du Filon. Nous évaluons l’impact social, par exemple, combien de personnes ont intégré la Cravate Solidaire, combien sont sorties avec un costume, et combien ont trouvé un emploi. Tout comme dans une entreprise, l’impact social est mesuré de manière aussi rigoureuse que l’impact financier.
Pour chaque initiative, au-delà de l’action même, l’impact social doit être mesurable.
Exactement ! Nous formons les associations à mesurer leur impact et toucher un maximum de personnes.
Un troisième sujet qui nous démarque est la création d’une autre association : ReSsourcEs à destination des entreprises. Nous avons constaté que beaucoup d’entreprises n’avaient pas encore compris les enjeux de la RSE. Cette association a trois objectifs : sensibiliser aux enjeux de la RSE, réaliser un diagnostic avec des préconisations d’experts pour construire un plan d’actions, puis favoriser le partage des bonnes pratiques. Chacun d’entre nous a listé toutes ses initiatives RSE intéressantes et nous les mettons à disposition des uns des autres. Par exemple : une caisse de compensation des congés payés, un dispositif pour favoriser le bénévolat des salariés …
Il y a 4 piliers RSE pour les entreprises :
- Ce que l’on fait pour le bien-être de nos salariés
- Nos actions en termes d’écologie (par exemple réduction carbone, biodéchet)
- Ce que l’on fait sur notre territoire (actions sociales)
- Ce que l’on fait en termes d’éthique
ReSsourceS fédère une cinquantaine d’entreprises de la région autour de ce travail d’évangélisation, de diagnostic et de plan d’actions, d’échanges de bonnes pratiques. Nous organisons régulièrement des cafés RSE, des conférences, ou encore des ateliers participatifs comme les fresques afin d’animer et faire progresser les pratiques.
En complément, nous avons créé un fonds de dotation au sein de notre groupe : le Fonds Dotation Heintz (FDH), alimenté par des dons de la famille fondatrice, des actionnaires actuels et nos entreprises du groupe. Ce fonds redistribue environ 300K€ par an sur différentes thématiques telles que la précarité, l’alimentation durable, la biodiversité ou encore le sport. Il y a une grande diversité de sujets à défendre. Nous veillons à maintenir une cohérence forte entre les projets soutenus et les problématiques sociétales en lien avec nos activités.
En résumé
- FDH (Fonds de Dotation Heintz) constitue l’outil philanthropique du Groupe Heintz
- MMS (Moselle Mécène Solidaire) redistribue des fonds et accompagne les porteurs de projets
- Le Filon favorise la création d’actions d’intérêt général
- ReSsourcEs accompagne les entreprises dans la démarche RSE
Ce sont donc plus de 60 initiatives annuelles qui sont soutenues, développées, structurées et mesurées en termes d’impact social. Quels sont les projets vers lesquels pourraient s’orienter un hôtelier souhaitant s’impliquer dans ces démarches ?
Dans le secteur de l’hôtellerie, la Cravate Solidaire constitue un excellent exemple, car nous faisons face à de réelles difficultés de recrutement. Il y a également la question de l’hébergement, avec des solutions comme les bureaux du cœur, qui sont des alternatives intéressantes. Et tout ce qui touche à l’alimentation durable, les jardins, la permaculture, ainsi que la préservation de la biodiversité et des ressources, sont essentiels. Nous avons d’ailleurs participé à un trophée de la biodiversité, en collaboration avec trois co-organisateurs, pour dépolluer un terrain naturel et le transformer en jardin permaculturel. Il existe des milliers d’initiatives, mais des sujets comme l’insertion professionnelle, l’hébergement ou encore l’alimentation durable, me semblent particulièrement pertinents et proches des enjeux de l’hôtellerie.
Un des points sur lequel je souhaiterai insister, si vous me le permettez, c’est celui d’impliquer les salaries. Par exemple, lors du choix des associations que nous soutenons, nous organisons des rotations pour permettre à nos collaborateurs de participer à la journée de présentation des projets et de voter au nom du Groupe. Il existe également un concept très intéressant appelé “le filament”, qui symbolise le lien entre les associations et les salariés. Chaque association, comme la Cravate Solidaire, présente ses besoins spécifiques, par exemple des personnes passionnées par la mode, des coachs en image, des spécialistes RH pour aider à réussir des entretiens fictifs, retravailler des CV, ou encore adopter la bonne posture. Pour que cela fonctionne, il est essentiel que l’initiative soit collective. Nous soutenons ainsi les associations dans lesquelles nos salariés s’investissent bénévolement. Cela permet également au Fonds de Dotation Heintz de soutenir des projets auxquels nos salariés participent ou sont simplement impliqués.
C’est un triangle entre l’association, l’entreprise et l’équipe.
Exactement. On peut également penser à des opérations de team building, au lieu de faire du karting, prendre une après-midi pour aller trier des vêtements chez Caritas ou cuisiner ensemble pour les Petites Cantines.
Souvent dans la RSE on pense environnement, température, empreinte carbone, mais on oublie la dimension humaine. La RSE est holistique, elle est globale.
Cet article a été initialement publié dans le cadre du réseau AFA d’Accor à destination des franchisés. Il est reproduit ici avec leur autorisation, afin de valoriser les engagements territoriaux et sociétaux portés par André Heintz et le Groupe.
Crédits : Accor Franchise Accélérateur – juin 2025.
L’article vous a permis de découvrir les fondements de l’engagement porté par André Heintz et le Groupe ?
Voici deux contenus complémentaires pour approfondir la démarche, entendre la voix de l’entrepreneur et voir comment ces convictions se traduisent dans des échanges concrets.
🎙️ Un podcast dans l’épisode n°4 Demain Maintenant
Initié par le Crédit Agricole de Lorraine, et dédié à la transition écologique, André Heintz raconte son parcours, sa vision de l’impact local, et ce qui l’a poussé à entreprendre autrement.
➡️ Écouter le podcast
🎥 Une table ronde réalisée par le Groupe Accor pour un regard croisé sur l’hôtellerie durable
Aux côtés d’Agnès Roquefort (Chief Development Officer – Lifestyle & Luxury, Accor), André Heintz (Founder, Heintz Real Estate & Hospitality), Vanguelis Panayotis (CEO, MKG Consulting & Hospitality ON) and Alice Vachet (journalist and host of L’Empreinte).
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